Comment ouvrir son capital quand on est une TPE ?

Comment assurer la pérennité de son entreprise ? Une épineuse question à laquelle tout chef d’entreprise essaie de répondre, quotidiennement, sans répit. S’il y avait UNE réponse, nous la transmettrions à nos pairs immédiatement. Seulement, il n’en ait rien. Alors, nous vous présentons ici notre simple expérience : pour assurer la pérennité de notre entreprise, nous avons ouvert un capital.

Vous dire de suite que la dite entreprise est loin des poids lourds du CAC 40, ni une gazelle courtisée par pléiade d’investisseurs… Non, il s’agit d’une TPE, pour laquelle les conseils habituels en matière de recherche de capitaux – vous savez, ceux que dispensent la presse économique – ne sont d’aucune utilité, car complètement déconnectés de ses réalités.

Alors, c’est de la manière dont la recherche d’investisseurs s’est traduite concrètement dans notre cas que nous allons vous parler. Et cela en nous gardant bien des sempiternelles mises en garde, qui ont pour seul effet de maintenir les dirigeants dans la peur de l’ouverture.

Tremblez dirigeants : l’investisseur est un faux-ami !

Que nous dit la presse économique quand elle aborde le sujet de la recherche de capitaux ? Quand l’express titre « Faire entrer un investisseur sans perdre le pouvoir », le ton est d’emblée donné : celui de la peur et du risque. Voyez l’entrée en matière de l’article :

Les fondateurs d’entreprise ont souvent besoin d’investisseurs pour développer leurs projets. En contrepartie, ils doivent abandonner une part de leur pouvoir. (…) Or une association mal ficelée finit souvent au détriment du patron. Restez vigilant !

L’entrée d’investisseurs au capital de l’entreprise est présentée comme un non-choix : pour survivre, pas d’autre choix que de lâcher les reines de sa société à d’autres. D’où la traditionnelle litanie de conseils à la vigilance pour encadrer et contenir au mieux la perte de pouvoir. Bref, une bien morose manière de parler de pérennité de l’entreprise, qui ne fait que nourrir les peurs, la défiance et l’opposition avec cet a priori que le chef d’entreprise serait seul face à des sauveurs ambigus car prompts à le déposséder de projet.

Mais de qui parle-t-on au juste ?

Désolé de lever le voile sur ces chimères journalistiques, mais cette réalité n’est absolument pas le lot des chefs d’entreprise. La vie, et la survie, de l’écrasante majorité des entreprises ne reposent pas sur les business angels, ni sur le système bancaire (excluant une fraction importante de ladite majorité), encore moins sur d’éventuels investisseurs étrangers.

Quelle est la réalité de ces entreprises ? La dernière étude sur les entreprises de l’Insee nous dit que 95% des entreprises qui  se sont créés en 2012 et 2013 n’avaient pas de salariés, 75% étant des SARL. Les micro-entreprises (moins de 10  salariés et CA < 2 M€) représentent 95,4 % des entreprises en France, en 2011 (voir rapport  du Jaune2015).

Ces TPE-là ne font pas appel aux business angels (qu’elles n’intéressent pas au demeurant), ni au système bancaire (qui les exclut assez facilement avec des grilles de lecture purement comptables ; hors avec la conjoncture actuelle, la comptabilité n’est pas toujours reluisante), ni enfin aux investisseurs étrangers (qui vont forcément œuvrer dans des structures plus importantes, en l’occurrence 4,4% des PME en France et les 0,21 % d’ETI et Grandes Entreprises).

Point d’entrée au capital sans de lourdes contreparties…

Peut-on chercher une lueur d’espoir ailleurs ? Allons voir du côté du magazine Chef d’entreprise, qui titre : « Ouvrir son capital à un tiers, est-ce une bonne chose ? », s’adressant quant à lui aux PME. L’intitulé pourrait laisser penser que oui. Et pourtant, on vous le donne en mille :

Pas de doute: les PME françaises ont toujours la cote auprès du capital-investissement. (…) Sachez également que ces dotations ont une lourde contrepartie. (…) Certains investisseurs peuvent aussi imposer leur vision stratégique.

A nouveau, avalanche de conseil à la prudence, qui en ferait renoncer plus d’un. Dans cet article, même si il est fait référence à des fonds (et il en existe des éthiques comme les clubs cigales par exemple), la seule sortie envisagée est l’entrée en Bourse ou la cession. Peu réaliste pour les 95,4 % de micro-entreprises. Et même s’il est indiqué la possibilité du rachat de parts, il est aussi rappelé que les contreparties sont lourdes. Donc même si vous vouliez le faire, faîtes attention au texte écrit en tout petit sur le contrat !

Les échos, eux, nous apporte une vraie lueur d’espoir avec Henri Mion, coresponsable de l’activité fusions & acquisitions mid-cap pour la France, chez Société Générale : « L’ouverture est un pilier de la pérennité ».

Interview sérieuse, en vidéo et texte. La banque au service des entreprises nous explique ici quelques éléments révélateurs et intéressants, en positionnant très bien son propre service fusion-acquisition. Le bas blesse vraiment quand M. Mion nous explique que la double gouvernance est monnaie courante dans les entreprises. Oui, forcément, le directoire et le conseil d’administration pourront alors être les piliers d’une ouverture du capital de la société…. anonyme ou par actions simplifiées non ? Sérieusement, vues les créations de société en SARL et le volume des PME en France, non la double gouvernance n’est pas représentative des entreprises !

Dans tous ces exemples et ces discours, il y a une profonde méconnaissance des réalités et du tissu économique local. On ne nous parle que du fonctionnement des grandes structures (0,21% des entreprises en France, employant un nombre très conséquent de personnes, tout comme elles peuvent en licencier un grand nombre), mais en aucun cas des petites.

Comment ouvrir alors son capital pour une TPE ?

L’attitude naturelle, lorsqu’elle est possible, est de se tourner vers le cercle familial. Pourtant, l’entreprise dispose de ressources importantes qui peuvent investir et entrer dans son capital.

Vous pensez aux salariés ? Oui, c’est bien sûr une option (intéressante au demeurant, et qui se pratique de plus en plus). Mais non, une autre ressource est là, souvent totalement inexploitée. Et celle-ci est encore plus importante finalement puisqu’elle peut vraiment avoir besoin de vous, et donc, à tout intérêt à assurer votre pérennité.

Cette ressource : vos clients !

Qui est le plus à même de juger de votre performance ? Qui est le mieux placer pour connaître votre potentiel de développement sur un marché ? Qui peut vous comprendre, dans les doutes, les questionnements et les désirs de développement ? Qui peut avoir un intérêt à vous compter le plus longtemps possible comme un partenaire fiable et fidèle?

Une réponse simple : le chef d’entreprise qui vous passe des commandes.

Alors oui, envers et contre les médias ignorant le monde des petites entreprises, il faut bien cadrer les choses : prenez un expert-comptable, un avocat et un notaire. Mettez vous tous autour de la table et posez le projet tel que vous le voulez. Ces experts de confiance (ou presque tous) feront le reste.

Je parle en connaissance de cause puisque j’ai pu ouvrir le capital pour assurer la pérennité (voire survie) de mon entreprise l’année dernière à 8 sociétés clientes. Notre métier de conseil et d’accompagnement au développement est vraiment sensible: nous touchons au plus profond de l’entreprise, aux volontés et désirs personnelles pour concevoir et mettre en œuvre des actions permettant un développement cohérent de l’entreprise avec les attentes de son dirigeant. Comment prouver notre intégrité et notre dévouement ?

La seule réponse que nous ayons trouvée était de leur ouvrir les portes de notre propre développement. Et la réussite est totale ! Aujourd’hui, 8 de nos clients sont entrés au capital de notre entreprise, et participent aussi activement, au-delà de la dimension financière, à notre gouvernance. On ne saurait trop vous conseiller d’envisager cette solution, pragmatique et à la portée d’une majorité de petites entreprises.

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