Power-To-Gas : Révolution dans le stockage des énergies vertes

Depuis l’avènement de l’anthropocène, l’homme n’a jamais cessé s’impacter son environnement. En ce sens, la menace mondiale du changement climatique entraîne un changement fondamental des systèmes actuels de production d’énergie. Ceux-ci, basés sur les combustibles fossiles centralisés ou la production d’énergie nucléaire se tournent donc vers un nouveau système décentralisé basé sur des taux élevés de pénétration des énergies renouvelables intermittentes (notamment éoliennes et solaires) (Fig. 1.).

Fig. 1. Proportion d’énergie renouvelable dans le bilan d’énergie des pays de l’UE.

 

De nos jours, le stockage de l’énergie verte est donc d’une importance primordiale en ce qui concerne nos besoins d’équilibre de production et d’approvisionnement en énergie. Nous pouvons ainsi observer un certain développement dans l’écosystème technologique et entrepreneurial de nouvelles technologies ayant pour fonction de répondre à ces problèmes.  En règle général, une capacité de stockage d’énergie d’environ 10 à 20% de la production totale d’énergie renouvelable intermittente semble nécessaire pour l’intégrer efficacement dans le réseau, y compris le stockage saisonnier. À l’heure actuelle, il n’existe malheureusement pas de solutions de rechange à grande échelle à l’instar des technologies éprouvées telles que les stations de transfert d’énergie par pompage et le stockage d’air comprimé. Ainsi, la gestion de l’intermittence dans le secteur des énergies vertes est l’un des défis technologiques et économiques majeurs du 21ème siècle. Celui-ci mobilise ainsi, d’énormes ressources financières, scientifiques, techniques et industrielles.

Le principe du « Power-To-Gas ».

Il est habituel de penser au gaz pour produire de l’électricité, mais inverser ce paradigme semble un pari fou; c’est ici que le « Power-To-Gas » (P2G) prend donc tout son important. Il permet le stockage de l’électricité excédentaire à partie d’énergies renouvelables intermittentes sous la forme de carburant neutre en dioxyde de carbone (CO2). Cette technologie relie le réseau électrique à un réseau de gaz en convertissant l’énergie excédentaire en un gaz compatible avec nos besoins, que ce soit de l’hydrogène (P2H2) ou du méthane/biogaz (P2CH4) (Fig. 2.). La production de méthane est elle plus complexe, elle nécessite un processus en deux étapes: d’abord la production de l’hydrogène par électrolyse de l’eau via l’énergie excédentaire, puis la conversion de l’hydrogène avec du dioxyde de carbone par le principe de méthanation (chimique ou biologique).

  • Chimique : Ce principe est actuellement en développement et consiste en une conversion des deux gazes à très haute température sous l’action d’un catalyseur chimique (Exemple: Nickel). Malheureusement, ce processus n’est à l’heure actuelle pas rentable du fait de ses taux de rendements, mais aussi et surtout des coûts qui malgré les nombreuses recherches ne semblent baisser. On peut cependant noter la présence d’un premier prototype industriel dans la ville de Wertle en Allemagne pour le compte de la société Audi.
  • Biologique : La Biométhanation est une technologie de « Power-To-Gas » basée sur l’action de micro-organismes spécifiques capables de produire du méthane via l’utilisation du dioxyde de carbone et d’hydrogène à des coûts industriels relativement réduit. Dans l’écosystème scientifique et technologique, on en dénombre actuellement 3 principes, l’un consiste à injecter directement du H2 et du CO2 dans un méthaniseur afin d’améliorer les taux de production de méthane (méthanation in-situ), l’autre consiste à directement coupler l’électrolyse de l’eau pour la production d’hydrogène dans un principe de P2CH4, et le dernier consiste à l’injection directe des deux gazes dans un réacteur biologique en vue de la totale conversion des gazes et du stockage de l’énergie (méthanation ex-situ). Au niveau national, ce principe est actuellement en développement au sein de l’Institut Pascal de Clermont-Ferrand et de l’INSA de Toulouse.
Fig. 2. Principe de la technologie du « Power-To-Gas ».

 

L’impact économique potentiel.

Comme vous l’aurez compris, le principe de biométhanation pourrait avoir un impact sur deux secteurs clé de l’énergie, les énergies renouvelables, mais aussi la production du méthane. Aujourd’hui, le méthane en tant que combustible fossile demeure un des composant essentiel de notre économie énergétique et de surcroît un facteur aggravant de la pollution. D’un point de vue économique, il représente près de 90% du gaz naturel utilisé au 21ème siècle (3ème source d’énergie mondiale).

Même si les sources de méthane sont encore diversifiées, elles posent pour chacune de problèmes environnementaux mais aussi économique. La plus grande portion du méthane utilisé à l’heure actuelle provient des « poches » de gaz souterraines. D’autres principes sont  en développement, que ce soit le Gaz de Schiste hautement controversé en Europe, ou l’extraction du méthane océanique qui tend à se développer dans les pays asiatiques.

A contre sens, les biotechnologies sont actuellement utilisées en vue d’une production plus verte. Parmi lesquelles nous retrouvons la biométhanation présentée dans cet article, mais aussi le principe de méthanisation qui produit d’une manière écologique du biogaz via la dégradation de matières organiques non valorisées telles que des déchets d’industries agro-alimentaires ou encore du secteur agricole. Cette dégradation par des organismes biologiques permet une double revalorisation. Elle conduit en effet à la production d’un produit humide riche en matière organique stabilisée (digestat) valorisable en agriculture en tant que fertilisant, mais permet aussi et surtout un production de biogaz.

Ainsi, face à la situation spécifique liée au marché international du méthane, la production de gaz industriels tels que le méthane a augmenté de +6.5% en 2017 et devrait atteindre 43 milliards de dollars d’ici 2023 principalement porté par le développement des gaz de schistes.

Cette augmentation de la production peut s’expliquer par les besoins croissants dans les domaines des transports et d’autres industries. Ce dynamisme lié à la recherche sur la production de gaz a servi de levier pour de nombreuses industries et autres Start-Up. Outre les commandes bien orientées, les acteurs du secteur pourront compter sur une revalorisation de leurs prix de vente, notamment en liaison avec la hausse attendue des prix du gaz. Dans cette situation, l’écosystème recherche de nouvelles technologies pour la production de gaz par d’autres moyens en vue de réduire les coûts de production et d’obtenir une meilleure opinion publique et politique. Malheureusement, aujourd’hui uniquement une Start-Up vise à développer le principe de la biométhanation malgré le nombre de recherches croissantes en ce sens depuis ces 20 dernières années.

Ainsi, tout semble donc se rejoindre pour assister au véritable décollage du biogaz, car tous les acteurs se déplacent enfin à l’unisson. Au niveau national, l’Etat multiplie les initiatives (appels d’offres, CRE et extension des tarifs d’achat…) ; les fournisseurs d’énergie et les gestionnaires de réseaux accélèrent sur le marché, tandis que les équipementiers rendent leurs technologies plus fiables et variées. Quant aux agriculteurs, ils considèrent de plus en plus la production de biogaz comme une source de revenus supplémentaires et une solution pour fournir du digestat afin de fertiliser leurs sols. Néanmoins, l’industrie a pris du retard par rapport à la trajectoire prévue et doit passer à la vitesse supérieure. La réalisation de projets en développement devient essentielle et de grands groupes (Suez, Veolia, Dalkia, Engie) doivent renforcer leurs capacités de production pour générer des économies d’échelles.

Un avenir prometteur.

L’Europe devrait ainsi devenir une des région prédominante pour cause de ses nombreuses industries et équipes de recherche impliquées dans ce champ d’application.

Cependant, encore aujourd’hui, le cadre légal est un facteur limitant devant être outrepassé. En effet, à titre d’exemple en Allemagne, en Autriche et au Danemark, le cadre juridique est très fort en ce qui concerne les sources d’énergie renouvelables. Ainsi, l’efficacité économique pour une usine de production de méthane que ce soit par le principe de biométhanation, ou de méthanisation est cruciale pour un développement à long terme des industries. Si nous restons concentrés sur le processus de méthanisation, l’Inde et d’autres économies émergentes comme l’Asie devraient connaître une forte croissance au cours des 10 prochaines années en raison de l’augmentation de la production agricole et de l’augmentation de leurs besoins énergétiques.

En Amérique du Nord, une croissance élevée est également supposée, cause en est de l’adoption de sources d’énergie alternatives et renouvelable. A titre d’exemple, le Département américain de l’Agriculture (USDA) et le Département de l’Energie (DOE) ont défini des directives pour améliorer l’utilisation du biogaz afin de répondre aux objectifs américains en matière d’énergie renouvelable.

Quoi qu’il en soit, il est donc hautement probable que d’ici les prochaines années nous puissions stocker l’énergie sous forme de gaz via l’utilisation d’organismes biologiques. Ce principe du « Power-To-Gas » aura donc des avantages d’un point de vue économique, technologique et surtout écologique en permettant de répondre aux problématiques actuelles.

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