Ne vous êtes-vous pas déjà dit : Ah, si je tenais LA GRANDE IDÉE, je serais un chef d’entreprise riche, à la tête d’une jeune pousse aux levées de fonds mirobolantes ou CEO d’un groupe à la renommée internationale, adulé pour son charisme et son leadership naturel, jalousé pour avoir reçu tous les dons des dieux de la bourse…
Ah, quel tableau délectable… Mais, nous allons vous décevoir : la réussite n’a rien à voir avec cette fable du génie visionnaire au point de départ des grandes aventures entrepreneuriales !
Non, les entrepreneurs ne sont pas par nature des visionnaires. C’est peut-être décevant à première vue, mais considérez un seul instant que cette nouvelle puisse aussi être libératrice. Elle remet l’entrepreneuriat à sa juste place : une aventure humaine et sociale à la portée de tous.
Changeons de regard sur les entrepreneurs…
Les entrepreneurs ayant réussi n’ont certainement pas attendu « LA grande idée » pour se lancer et gravir les échelons de la réussite. Il s’agit d’un mythe comme l’a démontré une chercheuse américaine, Saras Sarasvathy. Après avoir enquêté auprès de dizaines de chef d’entreprise qui ont réussi, elle s’aperçoit que la réalité a peu à voir avec nos représentations courantes du chef d’entreprise.
Elle propose alors une nouvelle approche de l’entrepreneuriat qu’elle baptise « l’EFFECTUATION ». Pragmatique et focalisée sur la manière dont les chefs d’entreprise raisonnent et agissent « en vrai », cette approche commence seulement à se diffuser en France.
L’entrepreneur super-héros est mort ! Vive l’effectuation !
Que nous apprend ce paradigme :
- Le processus entrepreneurial est habituellement décrit comme ça : un entrepreneur visionnaire a une bonne idée, il rédige un business plan, lève de l’argent, crée son entreprise, rassemble une équipe et se propulse vers le firmament du succès !
- la réalité est très différente : les entrepreneurs partent souvent avec une idée assez simple (Ikea, Facebook, 3M, etc.), voire pas d’idée du tout (HP et Sony notamment). Ils s’appuient sur les moyens dont ils disposent : leur personnalité, leur réseau de contact, leur savoir. Ils ne rédigent pas de business plan, mais inventent en cours de route. Leur force n’est pas d’être des créatifs hors du commun, mais de savoir fédérer d’autres personnes autour de leur projet, et surtout tirer parti des opportunités qui se présentent.
La fin du mythe de l’entrepreneur tout-puissant
L’intérêt de l’Effectuation est qu’elle déboulonne complètement 4 grands mythes de l’entrepreneuriat. Ces mythes ont toujours la vie dure, mais les déconstruire c’est aussi prendre conscience qu’un autre regard sur l’entrepreneuriat est possible, davantage ancré dans l’action entrepreneuriale.
Retour sur ces phantasmes qui empêchent souvent ceux qui leur accordent trop de crédit de passer à l’action :
L’amour du risque…
On dit souvent des entrepreneurs qu’ils aiment le risque, qu’ils réussissent parce qu’ils sont prêts à tout pour cela, envers et contre toutes les incertitudes !
La réalité est différente : les entrepreneurs cherchent au contraire à maîtriser, voire à réduire, les risques. Ils fonctionnent par petites touches : ils essaient quelque chose et poursuivent si ça marche. Ils ajustent leur offre en cours de route, tirant parti des surprises. Ils n’étudient pas un marché, mais font des essais à coup de perte acceptable…
Le grand visionnaire…
De même que Newton n’a pas découvert la loi de la gravité en recevant une pomme sur la tête, les entrepreneurs n’ont pas attendu l’illumination de l’idée géniale pour passer à l’action. Contrairement à ce mythe, les chefs d’entreprise ne sont que très rarement des visionnaires. Pour cause, une grande idée ne sort jamais toute armée de la cuisse de Jupiter ; au contraire, elle est souvent le résultat d’une longue maturation. Elle se développe au fur et à mesure de l’action entrepreneuriale et se construit par à-coups à travers des rencontres et des partenariats.
L’expert en prévision…
Autre croyance indécrottable : l’entrepreneur est quelqu’un qui est capable de prédictions ; il détecte une tendance que personne ne voit, devine vers où va le monde… Aucune étude sérieuse ne prouve cette fameuse science de l’avenir des marchés ! Les chefs d’entreprise ne voient pas plus l’avenir que Madame Irma ! Leur expérience de terrain est tout autre : ils ne cherchent pas à prédire l’avenir, ils le construisent.
L’être venu d’ailleurs… de Krypton…
Dernier mythe en vigueur : l’entrepreneur super-héros, doté de dons supérieurs, hyper créatif, sur-intelligent, avec un leadership inné, etc. Or, non seulement Superman n’a jamais créé d’entreprise, mais la réalité des chefs d’entreprise terriens est loin de la fiction : rien ne les distingue du commun des mortels ! Ce qui les rend spéciaux, ce n’est pas ce qu’ils sont, mais ce qu’ils font et comment ils le font ! Ce qui est spécial, c’est l’activité entrepreneuriale elle-même, que celle-ci soit pilotée par des timides ou des tchatcheurs, des rêveurs ou des débrouillards, des leaders ou des organisateurs…
Pour aller plus loin :
- le site consacré à l’effectuation (principalement en anglais) : www.effectuation.org
- le blog de @Philippe Silberzahn, chercheur français qui diffuse la pensée de l’effectuation en France: https://philippesilberzahn.com/
- E-Book, L’effectuation en action, par Philippe Silberzahn et Gérald Enrico